Celui qui a milité avec nos parents et grands-parents, qui a épousé la cause Algérienne, et qui a participé à l’édification de l’Algérie indépendante, l’Avocat des grandes causes à travers le monde s’est éteint hier, à l’âge de 88ans.
Nous avons appris son décès ce 16 aout 2013, à la suite d’un arrêt cardiaque, dans son appartement parisien.
Notre génération ne garde de lui, que le souvenir de celui qui a été l’avocat et par la suite l’époux de Djamila BOUHIRED, l’héroïne nationale de notre guerre de libération. De celui également, qui au cours de ces dernières années a été l’avocat des grandes affaires pénales internationales à grands retentissements médiatiques de tous bords.
Jacques VERGÈS, serait né en 1925 au SIAM (actuelle THAILANDE), d’un père de l’ile de la Réunion et d’une mère Vietnamienne (son père était à l’époque Consul de France au SIAM).
A la fin de ses études de droit, il prêta serment en qualité d’avocat. Avec ses idées politiques anticolonialistes et voulant défendre les droits de l’homme, il se rapprocha du collectif des avocats qui défendait les militants du F.L.N
C’est ainsi, que de nombreux algériens, durant la guerre de libération à leur sortie des salles de tortures pour être traduits devant le tribunal militaire, ont été défendus entre autres par Jacques VERGÈS.
A la suite de l’arrestation de Djamila BOUHIRED, qui faisait partie du « réseau bombes » qui était derrière les bombes de la cafeteria à la rue Didouche Mourad et celle du Milk-bar rue l’Arbi Ben M’Hidi à ALGER, Me Jacques VERGÈS avait été commis pour assurer sa défense. Il avait pris fait et cause pour elle d’autant plus, qu’elle risquait la peine de mort. Il avait adopté la plaidoirie dite de «La défense de rupture » pour mettre en avant l’action de l’Algérie et le pourquoi de la lutte d’un peuple.
C’est malheureux de voir à quel point la désinformation règne sur cette période de l’Histoire Algérienne, la méconnaissance de notre histoire rend la tâche aisée aux manipulateurs, Contrairement à ce que l’on peut lire sur internet et pire, dans une certaine presse Algérienne, ce n’est pas Djamila BOUHIRED qui été chargée de déposer la bombe au MILK-BAR, mais Zohra DRIF, sous les ordres de Yacef SAADI.
A la suite du procès, la condamnation à mort fut prononcée et il lui a fallu utiliser tous les moyens de communication de l’époque (la télévision débutait, faire un buzz afin de mobiliser l’opinion publique pour une cause, n’était pas aussi facile à mettre en œuvre qu’au jour d’aujourd’hui, avec les chaines satellitaires, internet et surtout Facebook …) Il organisa des tapages médiatiques pour faire en sorte qu’elle ne soit pas exécutée à titre d’exemple par les forces coloniales. L’issue de ce procès, s’est joué dans la presse plus que dans le prétoire.
Avec Georges ARNAUD, lui-même juriste au rang doctoral et auteur du livre « Le Salaire de la peur » qui connaissait à l’époque, un grand succès, ils écrivirent un manifeste, « Pour Djamila BOUHIRED » Grâce à cette politique médiatique, un large courant d’opinion mondial appelant à la grâce pour Djamila BOUHIRED se fit entendre.
C’est ainsi qu’elle fût graciée, et sa peine commuée en perpétuité. Elle sera libérée en 1962.
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Au lendemain de l’indépendance nationale, Jacques VERGÈS acquit la nationalité algérienne et devint musulman en adoptant le prénom de Mansour. C’est ainsi qu’il se maria avec Djamila Bouhired, avec qui il eut deux enfants prénommés Amina et Illies.
Au plan professionnel, il rejoint dans un premier temps l’administration algérienne en qualité de directeur du département Afrique de Mohamed Khémisti, qui été alors le premier ministre des Affaires étrangères de l’Algérie indépendante, puis créa et lança l’hebdomadaire Révolution Africaine (qui eut un grand retentissement et beaucoup d’échos à travers l’Afrique et le reste du monde car cet hebdomadaire était considéré comme la voix de l’Algérie). Il avait su former et regrouper autour de lui, une équipe rédactionnelle maitrisant l’Afrique, le tiers monde et les luttes des pays en voie de développement dont entre autres Josie FANON (Veuve de Frantz FANON, Georges ARNAUD et beaucoup d’algériens.
Jacques VERGÈS, quitte l’Algérie un temps, puis revient après le renversement de Ben Bella en Juin 1965, il formalise ensuite sa demande d’agrément et s’installe comme avocat à Alger. Il installe alors son cabinet dans la rue mitoyenne du palais de Justice de la rue Abane Ramdane. Mais il apparut très vite que sa conception de la défense de rupture était utile pour les grandes causes qui nécessitaient un tribun qui pouvait faire entendre la cause des peuples qui se sacrifiaient pour défendre leur idéal (il faut se rappeler qu’à l’époque l’Afrique n’était pas encore libre, l’apartheid existait encore et les palestiniens continuaient leur lutte).
C’est ainsi que le Bâtonnier de l’Ordre National des Avocats Algériens Amar BENTOUMI demanda à Jacques VERGÈS de bien vouloir assurer la défense de palestiniens de l’O.L.P partout dans le monde (l’affaire des avions d’El Al), afin qu’il soit par ses plaidoiries de rupture le porte-voix de la cause palestinienne.
Le 17 mars 1970, du jour au lendemain et subitement, il disparaissait d’Algérie et son épouse, après une visite au Chef de l’État, faisait officiellement sa déclaration de disparition le 26 mars 1970.
Après une disparition de plusieurs années Jacques VERGÈS, réapparu en France en 1978, sans aucune autre forme d’explication et sans jamais expliciter son absence et ce, jusqu’à sa mort. Il s’installa ensuite comme avocat au Barreau de Paris.
Il exerça alors ses talents dans tous les grands procès comme celui de Carlos (Celui qui avait pris en otage les Ministres du pétrole de l’OPEP et qui les avaient libérés sur le tarmac de l’aéroport d’Alger), le palestinien Georges Ibrahim Abdallah, le nazi Klaus Barbie, l’ancien Vice premier ministre irakien Tarik Aziz, Milosevic le dirigeant serbe, le dirigeant des khmers rouges, le philosophe français Roger Garaudy accusé d’antisémitisme, et bien d’autres.
Il s’est également essayé à la littérature et a écrit de nombreux livres à succès et même un ouvrage dans lequel il parle de la profession d’avocat et explique sa vision de la défense en rupture qu’il a intitulé le salaud lumineux.